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Crise sanitaire, quels effets sur les loyers professionnels et commerciaux ?

Le 20 avril 2020
La crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid 19 a conduit le gouvernement à annoncer des mesures d'accompagnement économique fortes, relatives notamment aux conditions d'exécution des baux commerciaux et professionnels. Quid des loyers ?

Dès le début de l’état d’urgence sanitaire, l’Etat a annoncé des mesures fortes d’accompagnement économique des ménages et des entreprises et notamment, sans autre précision au stade des discours, la « suspension des loyers professionnels ».

Une ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, publiée le 26 mars 2020 et d’application immédiate a alors suivi et certains rédacteurs se sont empressés d’affirmer, sans nuance, que les locataires professionnels et commerçants étaient dispensés de payer leur loyer.

Une telle conclusion nous semble trop risquée et repose sur de pures conjectures que n’autorise pas ce texte en l’absence de jurisprudence transposable à une situation totalement inédite.

Que dit réellement ce texte ?

- L’article 4 de l’ordonnance dispose que :

« Les personnes mentionnées à l'article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. »

- Sont mentionnées à l’article 1er :

« les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée. Celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire peuvent également bénéficier de ces dispositions au vu de la communication d'une attestation de l'un des mandataires de justice désignés par le jugement qui a ouvert cette procédure. »

- Sont finalement susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité, selon une autre ordonnance du 25 mars 2020 et un décret du 30 mars 2020 :

Les entreprises (y compris les indépendants et professions libérales) :

  • qui ont moins de 10 salariés,
  • qui réalisent un chiffre d’affaire inférieur à un million d’euros et présente un bénéfice imposable inférieur à 60.000 euros,
  • qui subissent une fermeture administrative ou qui auront connu une perte de chiffre d’affaires de plus de 70% (ramené à 50% par nouveau décret du 2 avril 2020) au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019.

Sont également éligibles au fonds de solidarité, depuis un décret n°2020-433 du 16 avril 2020, les entreprises en difficultés se trouvant en procédure de sauvegarde ou redressement judiciaire au plus tard au 1er mars 2020 (sont exclues les entreprises en liquidation judiciaire).

Voilà les conditions strictes servant à apprécier la légitimité d’une entreprise à bénéficier du fonds de solidarité et donc, d’une « suspension » de loyers dont les modalités restent foules.

En effet, le texte indique simplement que le non-paiement des échéances de loyers, durant l'état d'urgence sanitaire et jusqu'à deux mois après le terme de celui-ci, n'est pas susceptible de sanction.

Aucune disposition de ce texte ne dispense donc expressément les personnes qu'elle vise de payer les loyers commerciaux ou professionnels dont elles sont redevables. Le texte n’édicte aucune suspension de plein droit, ni n’en définit les conditions.

C’est donc dans un cadre amiable et conventionnel que les parties devront s’accorder, selon nous, sur les modalités d’une suspension stricto-sensu. Le locataire de bonne foi, éligible au fonds de solidarité, n’aura dans le cas contraire que la garantie de ne pas encourir de sanction en cas de non-paiement de loyers qui restent dus.

 Une autre ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à I’adaptation des procédures pendant cette même période, protège cependant le locataire et renforce le dispositif qui précède en disposant notamment, en son article 4 :

« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er (période d’état d’urgence sanitaire + 1 mois). Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme. Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendus Ia période définie au I de l’article 1Er. »

Nonobstant l’incertitude évidente qui entoure le principe d’une suspension des loyers, les entreprises sont donc bien protégées des effets d'une clause résolutoire et de pénalités courues durant la période d’état d’urgence sanitaire.

***

Encore une fois, rien ne permet de tirer des conclusions plus avantageuses aux locataires des textes qui précèdent. Certains principes juridiques invoqués par d’autres rédacteurs et qui peuvent être énoncés, permettent simplement d’anticiper l’après confinement et les contentieux qui naîtront d’un non-paiement des loyers.

C’est notamment le cas de la force majeure, de l’imprévision et de l’exception d’inexécution, à envisager avec discernement et manier avec précaution. Aucun de ces trois principes juridiques ne permet, à coup sûr, au locataire, de se dispenser d’exécuter ses obligations contractuelles et chaque cas justifie une appréciation in concreto.

Le recours à un Avocat par les parties à un contrat de bail professionnel ou commercial est d’autant plus justifié dans le contexte sanitaire, juridique et économique actuel et le Cabinet se tient à votre disposition pour vous accompagner dans cette période inédite et ses suites.

Marc Merceron,

Avocat.